Les mots, la heude et la liberté

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Article d’Alain Couraud
couraudalain@neuf.fr

J’ai longtemps cherché un nom pour mon atelier… et j’ai fini par le trouver, mais ayant finalement opté pour la discrétion, je n’ai pas mis de fléchage dans la campagne d’alentour… Vous cherchez « l’atelier de la vache heudée » ? Entrez donc ! C’est bien ici. Voyez : la devise est écrite là : « N’est pas heudée… vache qui veut, et pour ce faire… homme qui peut ! »

Vaches ! Mes amies que je salue toujours avec déférence par mes chemins, rien ne me contrarie plus que ces esprits chagrins et petits qui vous reprochent de nuire à notre ozone protecteur par vos ruminations, vos pets et autres flatulences. Pour concourir, pour être heudée, je vous le dis, il vous faut, avant tout, être rebelle ! Oui, revendiquez, haut et fort,  que l’herbe est toujours meilleure, plus fleurie, plus grasse et abondante dans le pré du voisin.  La clôture ? Vous en faites votre affaire ! Ce n’est pas ça qui vous retient. Donc, dociles demoiselles, prix de beauté bovine du dernier Salon : je vous préviens : abstenez-vous ! Quant à l’homme, je vous l’assure : il nous faut un costaud qui ne craigne pas de se faire encorner comme une brochette de l’été.

Tout le monde le sait, demain, la heude sera cassée ! D’une corde, solide pourtant, cette furie vous en fera deux.

Heuder : j’ai entendu ce mot, dans mon enfance, en suivant le vieux Francis qui traînait ses bottes en caoutchouc derrière son unique richesse de trois ruminantes broutant au bord du chemin. Et Francis jurait fort car la première cherchait toujours l’entrée d’un jardin qui n’était pas le sien : «Vain diou de vain diou… Celle-là, j’peux pas m’en aider !  Je vais finir par la heuder ! »

J’avais rangé ce mot plein de mystère dans le patois vernaculaire des miens. Le patois ? Non : je n’y étais pas ! Simplement du français d’autrefois. Autre région, autre temps, Paul Féval – père – (1816-1887) me rappela à l’ordre dans son roman « Madame Gil Blas». La heude est un lien qui entravait, jadis,  la bête rebelle et ralentissait sa marche… Vous n’en verrez plus aujourd’hui, et je dis merci… mais enfin Mesdames qui,  dans vos prés verts, fleurez la cardamine printanière, je vous le demande, n’êtes-vous pas trop sages désormais ? De moi, ne craignez rien ! Ruminez ! Ruminez ! Rotez vos vents ! Pétez toutes à votre aise ! Devant votre sagesse :fini la heude, rangée je ne sais où ? Dans notre mémoire, les mots s’effacent et puis se perdent aux grandes tempêtes dans le vent fou.

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